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Thèse soutenue par Guotian LUO le 24 Septembre 2021

Directeur de thèse: Hervé PETITE

Résumé

Les CSMs ont été identifiées pour la première fois par Alexander Friedenstein 1966, qui les a isolées à partir de la moelle osseuse grâce à leur propension à adhérer au plastique. Ces cellules prolifèrent de façon importante (mais limitée) in vitro et forment des colonies cellulaires semblables à des fibroblastes. Pour ces raisons, ces cellules ont été initialement appelées « fibroblastes formant des colonies » (Colony Formining Units- Fibroblasts ou CFU-F). Le terme « cellules souches mésenchymateuse » (CSM) a été suggéré par Arnold Caplan en 1991. D’autres dénominations sont également utilisées dans la littérature pour mettre en exergue certaines caractéristiques de ces cellules telles que : (i) « cellules souches squelettiques » proposées par P. Bianco parce que ces cellules peuvent se différencier dans tous les types de cellules squelettiques; (ii) « cellules stromales de la moelle osseuse » parce que cette population de cellules supportent également l’hématopoïèse; (iii) « fibroblastes du stroma de moelle osseuse » en raison de leur morphologie fibroblastique ; et plus récemment « Cellules Stromales Multipotentielles » en raison de leur multipotentialité. Les CSMs représentent 0,001 à 0,01% de la population totale de cellules mononucléées de la moelle osseuse. En réponse à des stimuli biochimiques et biophysiques spécifiques, les CSMs se différencient en cellules de l’os, du cartilage, du tissu adipeux ou en cellules stromales de soutien à l’hématopoïèse. Ces cellules sont des candidates prometteuses pour les applications d’ingénierie tissulaire. En effet, elles ont non seulement (i) la capacité de proliférer de façon importante mais limitée et (ii) de se différencier en une variété de tissus mésodermiques mais aussi (iii) une capacité à secréter un ensemble de facteurs bioactifs induisant un milieu favorable à la réparation tissulaire favorisant l’angiogenèse et la régénération tissulaire tout en inhibant l’apoptose, la fibrose et l’inflammation.

Cependant, leur efficacité thérapeutique réelle est de plus en plus remise en cause. Les CSM ne semblent pas être à la hauteur des espérances initiales fondé sur leur potentiel de régénération évalué dans des modèles in vitro ou des modèles in vivo partiellement représentatifs de la réalité clinique. Au final, l’efficacité thérapeutique des CSMs est faible et ceux en raison du faible de taux de survie des CSMs au sein des greffons et de leur persistance limitée à long-terme. Le microenvironnement ischémique hostile, principalement caractérisé par la privation d’oxygène et de nutriments, est responsable au moins en partie de la mort rapide et massive des CSM après leur implantation. Des recherches précédemment publiées par le laboratoire B3OA ont établi que l’absence de glucose (mais pas d’oxygène) est responsable de la mort massive des CSMs in vitro. Ces résultats ont été confirmés in vivo en montrant que l’addition de glucose au sein de produits d’ingénierie tissulaire augmentait la survie des CSMs par rapport au groupe témoin dans un modèle ectopique murin. L’hypothèse centrale de cette thèse est que le glucose, un régulateur critique de l’activité des cellules souches, permet de favoriser la survie des CSMs ainsi que leurs propriétés fonctionnelles après transplantation. Délivrer de façon adéquate à des concentrations physiologiques, il devrait donc augmenter l’efficacité thérapeutique des CSM.

Dans un premier temps, nous proposons d’étudier si et comment le glucose affecte l’angiogenèse médiée par les CSM. Dans un second temps, nous développerons un hydrogel nutritif doté d’un système intégré d’apport de glucose contrôlé par des enzymes dans l’idée d’améliorer la survie et les fonctionnalités des CSM après leur implantation.

Pour atteindre notre premier objectif, nous avons étudié l’angiogenèse médiée par les CSMh. Nous avons tout d’abord évalué l’influence de milieux conditionnés provenant de surnageants de culture de CSM humaines (CSMh) cultivées  sous quasi-anoxie (0,1% O2) en présence ou pas de glucose sur la migration et la formation de structures tubulaires par les cellules endothéliales de la veine ombilicale humaine (HUVEC). Nous avons ainsi pu montrer que les milieux conditionnés dérivés de CSMh cultivées en présence de glucose (1 ou 5 g/L) augmentaient non seulement la migration des HUVEC de manière significative (p < 0,05) mais aussi la longueur totale des structures tubulaires de manière significative (p < 0,05) par rapport au milieu conditionné surnageant dérivé de CSMh cultivées en l’absence de glucose.  Cette observation a été corroborée par la caractérisation des milieux conditionnés par ELISA qui a montré une augmentation significative (p < 0,05) de la quantité de facteurs de croissance pro-angiogéniques (Angiogénine, VEGF-A, VEGF-C, Angiopoïétine-1, Endostatine, et CCL2) libérés par les CSMh cultivées en présence de glucose par rapport aux résultats obtenus à partir des CSMh cultivées en absence de glucose. En outre, par rapport aux CSMh cultivées en présence de glucose en quasi-anoxie, les CSMh cultivées en l’absence de glucose ont présenté un niveau plus élevé de stress du réticulum endoplasmique (RE). Témoignant de ce stress, nous avons observé (i) une diminution de la biosynthèse des protéines nouvellement formées et (ii) une augmentation de l’activité de la voie PERK (niveau significativement (p < 0,05) plus élevé d’expression des ARNm CHOP et GRP78, d’eIF2α phosphorylé et d’expression de la protéine CHOP). Plus important encore, lorsque des hydrogels chargés ou pas en glucose contenant des CSMh ont été implantés en sous cutanée chez la souris Nude, on notait (i) une amélioration de la survie des CSMh et (ii) une augmentation significative du volume des vaisseaux sanguins nouvellement formés dans les hydrogels chargés en
glucose et CSMs par rapport aux hydrogels sans glucose contenant des CSMh ou aux hydrogels sans cellules chargés seulement en glucose.

Pour atteindre notre deuxième objectif, nous avons d’abord développé un nouvel hydrogel composé de fibrine, d’amidon (un polymère de glucose) et d’amyloglucosidase (AMG, une enzyme hydrolysant les liaisons glucosidiques reliant les glucoses entre eux au sein de l’amidon). Cette stratégie visait à fournir des niveaux physiologiques de glucose aux CSMs durant la période comprise entre le moment de la transplantation et la revascularisation de la lésion. Les hydrogels nutritifs ont été ensemencés avec des CSMh et la survie des CSMh dans ces hydrogels a été évaluée in vitro et in vivo. Les résultats in vitro ont montré que les CSMh chargées dans ce nouvel hydrogel de fibrine/amidon/AMG et exposées à une déplétion en oxygène et glucose présentaient un taux de survie cellulaire significativement amélioré par rapport aux même CSMh chargées dans des hydrogels de fibrine sans glucose après 14 jours. L’amélioration de la survie cellulaire dans ces hydrogels de fibrine/amidon/AMG a également été observée avec des cellules souches dérivé de tissus adipeux et des myoblastes. De plus, après 14 jours d’implantation en site sous-cutané chez la souris Nude, les CSMh ensemencées dans l’hydrogel de fibrine/amidon/AMG présentaient un taux de survie significativement plus élevé (p < 0,05) que les CSMh chargées dans les hydrogels de fibrine sans glucose.

D’autre part, nous avons évalué les propriétés chimiotactiques et pro-angiogéniques des CSMh chargées dans des hydrogels de fibrine/amidon/AMG dans des conditions de quasi-anoxie sans sérum ni glucose in vitro et in vivo. Nous avons découvert que les surnageants de milieux conditionnés provenant de CSMh chargées dans des hydrogels de fibrine/amidon/AMG augmentait significativement (p < 0,05) le potentiel chimiotactique des CSMh vers les CSMh et les HUVECs en comparaison des résultats obtenus en utilisant les hydrogels de fibrine sans glucose ou avec 5,5 mM de glucose. Ces données étaient cohérentes avec les concentrations significativement (p < 0,05) plus élevées de facteurs de croissance chimiotactiques (MCP-1, MIF, MIP-2, ENA 78 et IP-10) et de facteurs de croissance pro-angiogéniques (VEGF-A, VEGF-C, VEGF-D, Angiopoiétine-1, Angiopoiétine-2, Angiogénine et FGF-b) retrouvés dans les surnageants obtenus à partir des milieux conditionnés obtenus à partir des hydrogels defibrine/amidon/AMG/CSMh par rapport aux résultats des hydrogels contrôles fibrine/CSMh sans glucose ou Fibrine/5,5 mM de glucose sans cellules. Nous avons également démontré que le volume des vaisseaux sanguins nouvellement formés augmentait de manière significative (p < 0,05) à la périphérie des hydrogels de fibrine/amidon/AMG contenant des CSMh par rapport aux résultats obtenus avec des hydrogels contrôles fibrine/CSMh sans glucose ou fibrine/5,5 mM de glucose sans
cellules.

Dans l’ensemble, nos résultats démontrent les effets bénéfiques de l’apport de glucose exogène sur l’angiogenèse médiée par les CSMh ainsi que sur la régulation du stress du RE des CSMh dans des conditions de quasi-anoxie. Nous avons aussi établi pour la première fois la preuve de concept qu’un système d’hydrogel nutritif de fibrine/amidon/AMG produisant du glucose permettait d’améliorer la survie des CSMh et l’angiogenèse médiée par les CSMs après implantation. Ces résultats incitent à poursuivre une stratégie d’approvisionnement en glucose afin d’augmenter l’efficacité thérapeutique des CSMs dans le cadre de l’ingénierie tissulaire.

Les résultats intéressants de la présente étude justifient (i) la poursuite de recherches afin d’élucider le(s) mécanisme(s) sous-jacent(s) concernant le rôle du glucose dans la survie et les fonctionnalités des CSM après leur implantation et (i)la poursuite de recherches dans le but d’optimiser le nouvel hydrogel nutritif en tant que substrat tridimensionnel pour diverses applications des CSM. En particulier, la cinétique de délivrance du glucose doit être améliorée ainsi que la biodégradabilité de l’l’hydrogel. Outre la privation de nutriments, la réponse inflammatoire et le stress oxydatif jouent un rôle important dans les processus de réparation tissulaire in vivo. Étant donné le rôle primordial de l’immunomodulation dans ces processus, il est crucial de mieux comprendre le rôle du glucose sur les CSMs dans ce phénomène ainsi que dans l’homéostasie redox afin d’optimiser les effets bénéfiques de l’apport de glucose dans les thérapies à base de CSM. En ce qui concerne les nouveaux hydrogels nutritifs, les principaux aspects qui doivent être pris en considération pour optimiser leur utilisation dans les applications d’ingénierie tissulaire comprennent (sans s’y limiter) les propriétés biophysiques de l’hydrogel, le choix du polymère de glucose (par exemple, amidon ou maltodextrine), le choix de l’enzyme (par exemple, une seule enzyme ou une combinaison de plusieurs enzymes dégradant l’amidon), l’injectabilité, la biocompatibilité et le mode d’administration.

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